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Champ d'application de la copropriété : de l'impossibilité de diviser un bâtiment unique en volumes

Photo du rédacteur: Alteva AvocatsAlteva Avocats



LE 04 AVRIL 2017

"Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 28-IV de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, dans sa rédaction issue de la loi ALUR du 24 mars 2014, que la scission en volume ne peut en aucun cas être employée pour la division d’un bâtiment unique ; Que tel est le cas d’un bâtiment dont la conception architecturale est homogène pour tout le bâtiment, de sorte qu’il est inconcevable de réaliser un ravalement partiel de la façade ou de la toiture, que les fondations sont communes pour toutes les parties de l’immeuble et qu’il existe plusieurs accès communs aux différents parties de l’immeuble ; Attendu que l’immeuble objet des demandes présente de telles caractéristiques " (CA Aix-en-Provence, 28 mars 2017, n° 15/14766). 1. L'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : "La présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes. A défaut de convention contraire créant une organisation différente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs". Sauf le cas particulier visé à l'alinéa 2 de ce texte (en présence d'un ensemble immobilier régit par une convention créant une organisation différente, en pratique une ASL, une AFLU ou une Union de Syndicats), il résulte du premier alinéa que le régime légal de la copropriété est applicable de plein droit :  - en présence d'un immeuble ou groupe d'immeubles bâtis ;  - lesdits immeubles étant la propriété de plusieurs personnes ;  - cette propriété multiple étant organisée sur la base de parties privatives géographiquement identifiées (appartements, commerces, parkings,...) augmentées de parties communes soumises à un régime d'indivision. Lorsque ces conditions sont remplies, le régime de la copropriété s'applique automatiquement (Cass. Civ. 3ème, 13 avril 1988, Bulletin Loyers et copropriété, 1988, p. 290). Peu importe, notamment, que n’existe pas de règlement de copropriété : l’immeuble est, en droit, d’ores et déjà soumis au régime de la copropriété, du seul fait d’une division entre propriétaires assortie de l’existence de parties communes indivises (Cass. Civ. 3ème, 2 déc. 2008, Loyers et copropriété 2009, comm. 47 ; Cass. Civ. 3ème, 30 janvier 2007, Revue Administrer, avril 2007, p.54 ; CA Paris, 16 mai 2012, Loyers et copropriété 2002, com. 265).           Mais, à l’inverse, l’absence de parties communes permet-elle d’échapper à la loi du 10 juillet 1965 ? Autrement formulé, serait-il possible de constituer des volumes afin, en l’absence de parties communes, d’échapper au régime de la copropriété ? 2. Si cette possibilité ne soulève pas de difficulté dans le cas d’un vaste ensemble immobilier (l'alinéa 2 précité le prévoyant), les auteurs se sont, en revanche, montrés divisés sur la possibilité de procéder à une division en volumes au sein d’un bâtiment unique, pour le faire échapper à la loi du 10 juillet 1965. Une partie de la doctrine considère que la possibilité d’opter pour une division en volumes ne serait ouverte qu’en présence d’un ensemble immobilier, et exclue dans l’hypothèse d’un bâtiment unique (LAFOND et ROUX, Code de la copropriété 2013, Litec, art. 1, note 21). D’autres, plus modérés, estiment que cette voie serait certes exclue au sein d’un bâtiment unique comportant des lots d’un même usage (par exemple, un immeuble d’habitation), mais permise si, au sein de l’immeuble, plusieurs lots ont des affectations différentes, « par exemple en dissociant un volume de locaux commerciaux ou professionnels d’un volume réservé exclusivement à l’habitation » (Ph. SIMLER, Création de l’ouvrage immobilier complexe et droit de propriété, RDI 1999, p.289). Enfin, certains auteurs ont clairement estimé que la division en volumes d’un bâtiment unique ne se heurtait à aucune interdiction de principe (D. SIZAIRE, Division en volumes et copropriété des immeubles bâtis, Jcp. G., n°50, 14 déc. 1988, I 3367 ; voir également, précisant que les articles impératifs de la loi « concernent l’application du statut lui-même dès lors que la structure de l’immeuble correspond à celle décrite à l’article 1er, alinéa 1er de la loi » : Givord/Giverdon/Capoulade, Dalloz Action, Copropriété,  p.6, n°12, et p.29 n°62).  Ces auteurs se fondent sur le fait que l’article 43 de la loi de 1965, qui désigne les articles de la loi étant d’ordre public, ne vise pas son article 1er, lequel ne serait donc pas impératif et permettrait donc de choisir un autre mode de division de l’immeuble que celui de la copropriété, en l’occurrence une division en volumes sans parties communes indivises (voir en ce sens : CA Orléans, 3 octobre 2016, n° 15/00251). Ainsi, même au sein d’un bâtiment unique, il serait possible de mettre en œuvre une division de l’immeuble autre que celle prévue par la loi du 10 juillet 1965 et, en l’occurrence, de prévoir une division en volumes sans parties communes indivises. 3.          A ce jour, ce débat n’a pas été clairement tranché par la Cour de cassation (voir, sur ce point : C. DREVEAU, Copropriété et division en volumes, Dalloz Actualité 19 sept. 2010, note sous Cass. Civ. 3ème, 8 sept. 2010, n°09-15.554). Et l’article 59 de la loi « ALUR » du 24 mars 2014, qui a modifié l'article 28 de la loi du 10 juillet 1965, n'a pas non plus apporté de réponse nette. Cet article a pour objet d’organiser la sortie d’un ou plusieurs bâtiments d’une copropriété, « pour constituer une propriété séparée », lorsque la copropriété en cause « comporte plusieurs bâtiments et que la division de la propriété du sol est possible ». Le IV de cet article précise que, après avis du Maire et autorisation du Préfet, « la procédure prévue au présent article peut également être employée pour la division en volumes d'un ensemble immobilier complexe comportant soit plusieurs bâtiments distincts sur dalle, soit plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome ». Il est précisé que « la procédure ne peut en aucun cas être employée pour la division en volumes d'un bâtiment unique ». Fallait-il en déduire l’impossibilité pure et simple de procéder à la division en volumes d’un bâtiment unique (en ce sens : P. Déchelette-Tolot, La division en volumes : une sortie facilitée pour certaines copropriétés, Revue des Loyers, juin 2014, p.283) ? Ou, au contraire, que cette division, interdite dans le cadre de cette procédure particulière de scission de copropriété, était en revanche permise lorsqu’il ne s’agissait pas d’organiser la sortie d’un bâtiment d’une copropriété existante ? 4. C'est précisément ce point que vient trancher, dans le premier sens, l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 mars 2017, et ce de façon très nette puisqu'elle considère que :  "Il résulte des dispositions de l’article 28-IV de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, dans sa rédaction issue de la loi ALUR du 24 mars 2014, que la scission en volume ne peut en aucun cas être employée pour la division d’un bâtiment unique". Ainsi, les propriétaires d'un bâtiment unique ne peuvent prendre l'initiative de le diviser en volume afin, en excluant toutes parties communes, de tenir en échec le régime de la copropriété (voir déjà, en ce sens : CA Rennes, 22 juin 2004, JurisData n°2004-250385). Ce faisant, la Cour confère à l'article 28-IV une portée générale, au-delà de l'hypothèse de la scission de copropriété qu'elle régit. 5.                On relèvera toutefois, pour conclure, que l'article 59 de la loi ALUR a également modifié l'article 29-8 de la loi du 10 juillet 1965 dans les termes suivants : « I. ― Si la gestion et le fonctionnement normal de la copropriété ne peuvent être rétablis autrement, le juge peut prononcer aux conditions qu'il fixe et sur demande de l'administrateur provisoire : 1° La constitution d'un ou plusieurs syndicats secondaires ; 2° La division du syndicat. Lorsque l'administrateur provisoire demande une division en volumes, le juge statue au vu des conclusions du rapport d'un expert désigné par ses soins, aux frais du syndicat des copropriétaires, établissant que l'immeuble ou l'ensemble immobilier peuvent être scindés en volumes sans parties communes indivises et fonctionnant de façon autonome, et après consultation du maire de la commune du lieu d'implantation et du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ». Il ressort certes de ce texte que le Juge peut autoriser la division en volumes d’un immeuble ou d’un ensemble immobilier, ce qui militerait pour considérer comme possible la division d’un bâtiment unique, à l'inverse de ce qu'a jugé la Cour d'appel d'Aix-en-Provence. Cette question, d'importance, mériterait donc d'être tranchée par la Cour de cassation afin de lever définitivement tout doute.


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