Un arrêt récent de la Cour de cassation offre l’occasion de revenir sur la réduction de voix
prescrite par l’article 22 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 (Cass. Civ. 3 ème , 25 mai 2023,
n°22-14.180).
Un immeuble en copropriété est partagé entre deux SCI, l’une détenant la majorité des
tantièmes.
En principe, dans une telle hypothèse, s’applique l’article 22 alinéa 2 de la loi, aux termes
duquel « lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres
copropriétaires ».
Mais la SCI familiale majoritaire avait cédé aux 4 enfants de son gérant la nue-propriété de
certains de ses lots (tout en conservant l’usufruit) : les tantièmes se trouvant ainsi partagés
entre des personnes distinctes, elle prétendait échapper à la réduction de l’article 22.
C’est dans ces conditions qu’au cours d’une Assemblée Générale, les 4 enfants nus-
propriétaires, par le biais de la SCI familiale à laquelle ils avaient donné mandat, ont voté en
faveur de l’engagement d’une procédure judiciaire contre le locataire de la seconde SCI
copropriétaire.
Sans réduction de voix, cette résolution a été adoptée, et déférée au Tribunal par la SCI
minoritaire.
Cette dernière faisait notamment valoir que la règle de l’article 22 aurait dû s’appliquer,
considérant que la famille « adverse » appliquait une gestion commune au travers de la SCI
copropriétaire majoritaire et que la ventilation de la nue-propriété entre les 4 enfants du
gérant n’étant qu’un artifice pour échapper à la réduction de voix.
Ce moyen pouvait espérer trouver un écho dans certaines décisions judiciaires retenant le
caractère frauduleux de transferts de propriété fictifs (notamment à un prête-nom) effectués
à seule fin de conserver la maîtrise des votes en assemblées en contournant la règle de
réduction de voix.
Si la fraude est retenue, le transfert de propriété est considéré comme inopposable et l’article 22 retrouve à s’appliquer.
Tel est le cas en présence d’une donation dépourvue d’intérêt pour le donateur et que ce
dernier ne peut expliquer (Cass. Civ. 3 ème , 21 février 1995, n°93-13162) ou lorsqu’un
copropriétaire majoritaire « a constitué une société fictive dans le but de tourner les
dispositions de l’article 22 » : alors, « il ne peut prétendre que cette société constitue un
copropriétaire distinct » (Cass. Civ. 3 ème , 20 janvier 1993, n°90-21997).
Mais la fraude, qui ne se présume pas, doit être prouvée et ne sera retenue que si le
contournement de l’article 22 est le seul objectif du montage.
Une donation à ses enfants peut ainsi être justifiée par des raisons fiscales ou si elle porte
sur des appartements habitables par ces derniers, ce qui suffit à exclure la qualification de
fraude (Cass. Civ. 3 ème , 28 juin 1995, n°93-16.559).
Précisément en l’espèce, la Cour d’appel avait retenu que la donation avait été effectuée
« dans un objectif de restructuration patrimoniale », qu’elle était antérieure de plus de 4 ans
à l’Assemblée litigieuse, et qu’elle concernait 3 autres sociétés familiales (CA Aix-en-
Provence, 6 janvier 2022, n°18/08060).
Dès lors, la neutralisation de l’article 22 n’était tout au plus qu’une conséquence, mais en
aucun cas l’objectif unique du démembrement de propriété opéré, qui n’était donc pas frauduleux.
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